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Par Barnabé Binctin
Certes, c’est sous le mandat Macron qu’un méga projet comme Europacity a été abandonné… mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt : en matière de bétonisation des sols le bilan est peu glorieux et attise l’inquiétude de nombre d’associations.
Au rang des autosatisfecits écolos du gouvernement, ce n’est pas forcément celui qu’on attendait le plus. Pourtant, la lutte contre l’artificialisation des sols figure désormais en bonne position. « Le quinquennat qui vient de s’écouler est sans conteste celui qui a le plus agi en faveur de la transition écologique, écrit ainsi Marine Braud, ex-conseillère de Barbara Pompili, au ministère de la Transition écologique, dans une note publiée fin 2021 par le think tank Terra Nova. Il a mis sur la table de nombreux sujets peu, voire pas, traités au cours des mandats précédents sur lesquels la France s’est positionnée en pionnière, tels que la réduction de l’artificialisation ». À son crédit, Emmanuel Macron peut faire valoir utilement quelques arguments.
Dans la loi d’abord, avec l’objectif du « Zéro artificialisation nette », inscrit une première fois dans le plan Biodiversité présenté par Nicolas Hulot à l’été 2018, avant d’être confirmé dans la loi « Climat et résilience » présentée l’année dernière. Dans les actes ensuite, avec l’abandon de quelques projets à forte emprise sur des terres agricoles – et à haute-valeur symbolique – comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) ou le mega complexe d’Europacity, à Gonesse (Val-d’Oise). Dans les faits, enfin, si l’on en croit les chiffres avancés par le ministère de la Transition écologique, qui ne tablerait plus « que » sur « 20 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers consommés en moyenne chaque année ». Soit deux à trois fois la surface de Paris avalée par le béton ou artificialisée.
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Par Rachel Knaebel
Au moment où Macron entre à l’Élysée, les énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, hydraulique, biomasse) fournissaient 18,4 % de l’électricité consommée en France. Le pays accuse déjà un certain retard : en 2017 en Espagne, l’électricité produite par les énergies renouvelables couvre plus de 36% de la consommation, 34 % en Italie et en Allemagne [1].
Cinq ans plus tard, où en est-on ? 26% de l’électricité vient des énergies renouvelables en France, contre 45 % en Allemagne. « La France est en retard en matière d’énergies renouvelables », constate le Réseau action climat dans son bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron et de sa majorité présidentielle, consacré au climat et à la transition énergétique.
Les engagements climatiques pris en 2008 par l’Union européenne avait fixé à la France l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation globale brute d’énergie (ce qui comprend l’électricité, la chaleur et les transports) d’ici à 2020 [2]. Ce premier objectif n’a pas été atteint : seulement 19,1 % de la consommation énergétique globale française viennent des énergies renouvelables, soit 4 % de moins que le but fixé. C’est le seul pays de l’UE à ne pas avoir tenu son engagement. Au même moment, fin 2019, plus de la moitié de l’énergie consommée en Suède est produite à partir de sources renouvelables, 43 % en Finlande ; 37 % au Danemark ; 33 % en Autriche.
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Alors que l’amiante continue de tuer massivement, le gouvernement envisageait d’affaiblir l’organisme chargé d’indemniser les victimes de cette fibre tueuse interdite en France depuis 1997. Il a finalement annulé ce projet.
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Comment écouter, enfin, le point de vue du vivant non humain, ce « grand muet » ? En élisant une mésange pour présidente, proposent les auteurs de cette tribune.
Manon Loisel et Nicolas Rio sont consultants-chercheurs en action publique locale.
Une mésange à l’Élysée ?! La proposition a de quoi faire sourire. Mais au-delà de la boutade, cette candidature fictive invite à conjurer la morosité de la campagne présidentielle et à bousculer un peu notre démocratie pour qu’elle intègre davantage le défi écologique. La mésange futée du dessinateur Alessandro Pignocchi nous y encourage.
Faire entrer le vivant non humain à l’Élysée, c’est une proposition qui ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans le prolongement d’un foisonnement d’initiatives visant à lui rendre sa place au cœur de notre société. On pense aux travaux précurseurs de l’anthropologue Bruno Latour et à son expérimentation Make it Work, fin mai 2021. Il invitait à la table des négociations d’une COP21 fictive des écosystèmes tels que l’Amazonie, les océans, les pôles… On pense aussi aux écrits de Baptiste Morizot, qui, en partant des controverses autour de la présence du loup en France, soulignent la nécessité de bâtir une diplomatie interespèces pour permettre aux humains une meilleure cohabitation et un enrichissement au contact des autres vivants.
C’est également l’expérience du Parlement de Loire, conduite par l’écrivain Camille de Toledo et le Pôle arts et urbanisme (Polau) de Tours, et celle du plaidoyer de Notre affaire à tous, qui militent pour considérer les fleuves comme des sujets de droit. Sur un autre registre, c’est à la Zad de Notre-Dame-des-Landes que le vivant a fait son entrée en politique la plus fracassante, à travers le slogan : « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ! »
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À Notre-Dame-des-Landes, lors de l’anniversaire des deux ans de l’abandon du projet d’aéroport, en 2020. © Yves Monteil/Reporterre
Si diverses soient-elles, toutes ces expériences ont en commun de se tenir à distance de la vie politique. Mais si le droit et la lutte sont des outils décisifs pour redonner le pouvoir au(x) vivant(s), le vote pourrait aussi être un levier pour inciter nos gouvernants et nos institutions à prendre cette question à bras-le-corps. Et quoi de mieux qu’une élection présidentielle pour lancer la dynamique ? Agriculture, énergie, fiscalité, industrie, affaires étrangères… la plupart des politiques nationales ont un effet direct sur le(s) vivant(s). Il serait donc logique d’écouter enfin le point de vue de ces « grands muets » que sont les plantes, les animaux… pour ouvrir le débat largement. Davantage en tout cas que ne le permettent le Parti animaliste ou le Mouvement de la ruralité (anciennement Chasse, pêche, nature et traditions) [1].
Avec la mésange, réapproprions-nous cette campagne qui nous égare et ne nous parle pas.
Déjouer la dérive réactionnaire des débats
À lire les bandes-dessinées de l’anthropologue Alessandro Pignocchi, on mesure tout l’intérêt et le réconfort que l’on peut trouver à écouter le point de vue d’une mésange : curieuse, avisée, drôle, elle incarne une voix critique, non dupe des incohérences humaines, croissance verte et tutti quanti. Dans une campagne présidentielle qui s’embourbe, ce petit oiseau pourrait apporter une voix salutaire, qui nous aiderait à recadrer le débat. Il est en effet fort à parier que, comme nombre d’experts, il n’associerait pas insécurité avec immigration, mais avec pesticides, sols morts, sécheresse… Il demanderait sûrement aussi que la mortalité des abeilles, du fait de ces substances toxiques, soit intégrée aux statistiques de la délinquance, et que des lois soient proposées pour condamner sévèrement leurs promoteurs. En bref, la mésange pourrait déjouer la dérive réactionnaire des débats et, en nous permettant de nous « décaler », nous aiderait à prendre les positions les plus ambitieuses sur le plan écologique.
Lire aussi : Donner des droits à la nature : une idée qui fait son chemin
Se placer du côté des espèces menacées d’extinction serait également un moyen pour nous de retourner l’accusation d’« écologie punitive », souvent utilisée à l’encontre des écologistes. Car la vraie punition en matière d’écologie, c’est la sixième extinction des espèces. Pour la mésange, le « pouvoir de vivre » [2]… est devenu une revendication vitale !
Pour nous, humains, l’identification à une mésange invite à d’autres façons de faire de la politique. Ce petit oiseau si vulnérable pourrait même devenir notre meilleur allié pour relayer la parole des sans-voix et construire des coalitions de combat. Sa vulnérabilité n’est-elle pas aussi celle de tous les êtres humains privés d’existence digne ? Défendre le vivant, c’est affirmer la force de nos interdépendances malgré l’hétérogénéité de nos conditions.
Et si on permettait à une forêt de s’exprimer sur ses besoins en sondant son sol ?
Venons-en au concret, car imaginer la candidature d’une mésange à l’élection présidentielle pose une série de problèmes pratiques.
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Problème numéro 1 : impossible de faire parler les non-humains. C’est vrai. Mais les politiques, et les chroniqueurs, passent leur temps à faire parler les Français sans jamais leur donner l’occasion de s’exprimer directement. Alors, ne pourrait-on permettre à la mésange de parler en interrogeant ses lieux de vie favoris ? À une forêt de s’exprimer sur ses besoins en sondant son sol ? Il suffirait de nous associer avec des scientifiques, des chercheurs, etc., qui pourraient en témoigner.
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Problème numéro 2 : seuls les humains ont le droit de vote. De fait, il existe un décalage entre la population qui vote et la population impactée par l’élection. C’est un vrai gros problème, qui est loin de se limiter aux non-humains : la jeunesse et les générations futures mériteraient elles aussi d’être au cœur de l’élection. Comme le dit le rappeur Orelsan, « tous les vieux votent, ils vont choisir notre avenir / mamie vote Marine, elle a trois ans à vivre ».
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Problème numéro 3 : tous les vivants n’ont pas les mêmes enjeux à défendre. Avec cette candidature de la mésange, ne risque-t-on pas de mélanger choux et carottes, ou de tomber dans une logique catégorielle où chacun cherche à défendre ses animaux préférés ou ses végétaux favoris ? On peut aussi se dire, à l’inverse, que c’est la force de la démocratie et l’intérêt d’une campagne électorale de nous donner l’occasion de dépasser nos divisions, pour souligner ce qui nous unit et ainsi reconfigurer les clivages qui nous traversent. La mésange pourrait être notre meilleur dénominateur commun pour s’engager dans cette voie.
Peut-on vraiment faire entrer le vivant non humain dans la campagne présidentielle ? On ne sait pas, mais on vous propose d’essayer.
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