Pour la troisième année, la France s’apprête à réautoriser sur les betteraves des pesticides ultra-dangereux pourtant interdits. Membre du « Conseil de surveillance » de ce dispositif, l’agronome Jacques Caplat témoigne de l’absence de débat.

I. Le premier acte se déroule en 2020 et détermine tout le reste.

Scène 1 : Au printemps 2020, les betteraviers s’inquiètent de la forte présence d’une jaunisse transmise par des pucerons, qui risque de faire chuter leurs rendements. La filière sucre, qui a organisé la surproduction, en prend prétexte pour soutenir les agriculteurs qui demandent à pouvoir de nouveau utiliser les néonicotinoïdes (« néonic »), et ainsi faire oublier sa responsabilité dans la crise sucrière.

Scène 2 : Flash-back. En 2017, l’Union européenne a supprimé les « quotas betteraviers » qui permettaient de réguler le marché du sucre et de sécuriser les agriculteurs. Depuis cette date, forte croissance des surfaces et donc surproduction betteravière (organisée cyniquement par les industries sucrières qui ont fait supprimer les quotas), ce qui conduit entre 2017 et 2020 à un effondrement des prix, à une course au rendement chez les agriculteurs et à la disparition des petites sucreries.

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Scène 3 : La filière sucre et la FNSEA (syndicat majoritaire agro-industriel) profitent donc de l’alibi « jaunisse » pour mettre la crise betteravière sur le dos de l’environnement, alors que la production finale 2020 est au niveau des années 1990 (où c’était suffisant). Ils réclament de pouvoir à nouveau utiliser des néonic, redoutablement efficaces contre les pucerons et simples d’emploi (appliqués à l’avance sur les semences, et hop, c’est réglé), mais interdits « à cause des écolos ». Il faut dire que ce sont des pesticides extrêmement toxiques pour les pollinisateurs, et extrêmement rémanents (c’est-à-dire présents et actifs dans l’environnement pendant plusieurs années après leur application !).

Scène 4 : Pour déroger à l’interdiction française (puis européenne) des néonic, il faut faire passer une loi spécifique. Les discussions parlementaires ont le mérite d’obliger à un minimum de transparence et d’imposer quelques contraintes. D’une part, la loi dérogatoire court uniquement jusqu’à l’été 2023. D’autre part, du fait de la rémanence des néonic, la loi limite les cultures possibles en années « n+1 » et « n+2 » après utilisation de néonic. Enfin, la loi a imposé de créer une instance consultative, le « Conseil de surveillance », auquel je siège au titre de l’association Agir pour l’environnement, et qui ne peut autoriser que des dérogations annuelles. Toute la suite est une farce pour « justifier » la procédure.

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