Stop aux mégabassines, l’eau est un commun à défendre
Les mégabassines se multiplient, au grand dam des écologistes qui dénoncent l’accaparement d’un bien commun : l’eau. Les auteurs de cette tribune, élus et collectifs, s’insurgent contre ces cadeaux à l’agro-industrie.
150 associations et collectifs (Bassines non merci, Soulèvements de la Terre, la Confédération paysanne, la CGT, Attac…) appellent à une grande manifestation les 29 et 30 octobre à Sainte-Soline (79) pour stopper un énorme chantier de construction de mégabassine. L’action a été interdite par la préfecture mais des rassemblements, légaux, sont toujours prévus [1].
Les températures extrêmes de cet été et la sécheresse en cours ont mis en évidence l’impact du réchauffement climatique sur l’ensemble du territoire et la fragilité des milieux aquatiques. Annoncé depuis de nombreuses années dans les rapports successifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), ce dérèglement fragilise tous les écosystèmes et ne permet plus aujourd’hui aux nappes souterraines de se recharger selon les cycles que nous connaissions jusqu’alors.
Dans certains départements, comme les Deux-Sèvres ou la Vienne, des mégabassines, appelées officiellement « réserves de substitution », se multiplient avec la complicité de l’État. Elles sont remplies par pompage direct dans les nappes phréatiques en hiver, alors que celles-ci ne sont plus en mesure de se recharger normalement et que les seuils critiques sont dépassés chaque année.
En mars 2019, 19 bassines étaient en projet sur le bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon (Deux-Sèvres), dont 7 en Zone Natura 2000. Une trentaine de bassines sont déjà en activité en Vendée, une quinzaine en Charente, une dizaine en Charente-Maritime, une dizaine en Vienne, une demi-douzaine dans les Deux-Sèvres. Désignées comme de « nouvelles ressources en eau », solution d’adaptation au changement climatiquesoulignée par les conclusions du Varenne de l’eau, en février 2022, ces réserves sont donc amenées à se généraliser sur l’ensemble du territoire, comme l’a martelé Julien Denormandie durant son mandat de précédent ministre de l’Agriculture.
Et elles sont colossales, ces réserves ! Pour donner un ordre de grandeur, rappelons que le volume de la mégabassine du Langon, en Vendée, est de 851 000 m3, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’eau de 15 754 personnes ; celle de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, aurait au terme de son éventuelle construction un volume de 720 000 m3, soit l’équivalent de la consommation de 13 328 personnes par an [2].
Un modèle agricole déphasé des réalités écologiques
Ces réservoirs artificiels géants, privatisés, servent à alimenter un système agricole dominant lié à l’agro-industrie : irrigation de monocultures comme le maïs destinées à l’élevage industriel et à l’export, et ce, au mépris de la crise climatique en cours. Ces pratiques mettent en péril les écosystèmes qui dépendent directement des nappes phréatiques (comme tous les cours d’eau) et menacent, dans certains cas, jusqu’aux réserves en eau potable de la population.
Les avis de la communauté scientifique sont unanimes et condamnent largement ces procédés dévastateurs. Nous pouvons notamment citer Florence Habets, hydrogéologue, directrice de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) et renvoyer au collectif d’habitants Bassines non merci pour de nombreuses références sourcées.
Le gouvernement actuel – pieds et poings liés avec l’agro-industrie et la FNSEA[le syndicat majoritaire] – ne répond pas à l’urgence climatique en cours, malgré tous les effets d’annonce sur une éventuelle « planification écologique ». Dans ce contexte, il nous semble vital que la population s’empare du sujet de l’eau, de sa juste répartition, des besoins des milieux naturels, et mesure les risques d’accaparement de ce bien commun par une minorité.
Nous, organisations d’Indre-et-Loire, appelons donc la population et les hommes et femmes politiques locaux à s’emparer de ce sujet, et à prendre clairement position pour un moratoire afin de stopper l’accaparement de l’eau pour des intérêts privés, au national et au-delà de toute frontière.
Nous affirmons, enfin, haut et fort notre soutien à la lutte en cours dans les Deux-Sèvres contre la construction de la deuxième plus grande mégabassine de France, à Sainte-Soline, dont le chantier commencera dans les semaines à venir, et nous nous opposons à la multiplication des mégabassines sur tout le territoire.
Signataires :
Alternatiba Touraine
Amap Consoude de Sepmes
l’Antivol
ANVCOP21 37
Attac 37
Benoît Biteau (député européen EELV)
Confédération paysanne 37
Convergence Services publics 37
la Coopérative paysanne de Belêtre
Demain le Grand Soir
Emmanuel Denis (maire de Tours)
Eau Touraine
Extinction Rébellion Tours
EELV 37
Charles Fournier (député d’Indre-et-Loire)
Claude Gruffat (député européen EELV)
Gilets jaunes 37
Greenpeace Tours
Betsabée Haas (adjointe à la Ville de Tours, déléguée à la biodiversité, à la nature en ville, à la gestion des risques et à la condition animale)
InPACT37
LFI Saint-Pierre-Des-Corps
LFI Tours
NPA37
Peuples solidaires
Marie Quinton (adjointe à la ville de Tours, déléguée au logement, à la politique de la ville et à la lutte contre l’exclusion)
la Rabouilleuse École de Loire
Savonnière en transition
Christopher Sébaoun (conseiller à la Ville de Tours, délégué à la Loire et au Cher, à la préservation du patrimoine fluvial et des ressources aquifères)
Solidaire 37
Sortir du nucléaire Touraine
l’UCL37, l’Université populaire de Tours
Vivre ensemble solidaires en métropole tourangelle (VESEMT)