Par Margot Hemmerich

Hervé* a passé près de 15 ans derrière les barreaux au service de l’administration pénitentiaire. Décisions disciplinaires arbitraires, corruption, maltraitances, management toxique : il dénonce un système dysfonctionnel.

Trois murs d’enceinte chapeautés de fil barbelé concertina – avec des lames tranchantes – encerclent les blocs de détention, encadrés à chaque extrémité par de hauts miradors. Le tout en béton, gris. En levant encore les yeux, on aperçoit les filins anti-évasion, installés il y a vingt ans après l’évasion de trois détenus en hélicoptère. C’est la maison centrale de Moulins-Yzeure, réservée aux détenus condamnés à de longues peines et considérés comme les plus difficiles. C’est là que travaille Hervé*. « Dans une prison haute sécurité aux allures de bunker. »

Hervé pourrait faire le trajet qui mène en détention les yeux fermés. Décrire le bruit métallique des lourdes grilles qu’il faut franchir par dizaines avant d’arriver dans les coursives. L’oppression des bas plafonds et cet horizon empêché par les murs d’enceinte et les barreaux des fenêtres. Et encore, précise-t-il, on ne remarque pas immédiatement toutes les caméras qui surveillent 24h/24 chaque mouvement au sein de la prison.

« Le paradoxe, c’est que pour s’évader d’un bunker, il faut forcément tout faire péter. Ça prend tout de suite des proportions incroyables. » C’est ce qui s’est passé en 2009, peu de temps avant qu’Hervé ne prenne ses fonctions. Deux détenus ont fait sauter les portes des parloirs à l’aide d’explosifs, après avoir pris en otage des surveillants.

Une vision utopiste

Aujourd’hui, Hervé est officier, l’un des grades de commandement de l’administration pénitentiaire. Un métier d’autorité, mais qu’il espérait également « un métier d’humain ».« J’avais une vision utopiste complètement naïve en passant le concours. Je pensais travailler avec des hommes aux parcours de vie cabossés et essayer de construire avec eux des perspectives d’avenir. J’étais complètement à côté de la plaque. Il n’y a que la sécurité qui compte en prison. »

Depuis quinze ans, son quotidien est pourtant loin des prises d’otage et des tentatives d’évasion. Ce n’est pas faute d’avoir connu des situations tendues, « des grosses bagarres au couteau sur la cour de promenade », et même un début de mutinerie, en 2015. « Là, je dois avouer que j’ai eu peur, quand j’ai vu tous les détenus qui refusaient de rentrer en cellule et qui tapaient sur les grilles. »

Mais le reste du temps, sa journée de travail ressemble davantage à « une succession d’incidents à gérer »« À peine arrivé le matin, il faut aller voir un détenu qui crie, qui a cassé sa cellule pendant la nuit ou menacé un surveillant. Puis il faut écouter les agents qui se sont fait insulter, gérer les absences et les arrêts. Toute la journée, on essaie de résoudre des problèmes, mais c’est comme écoper l’océan : ça ne s’arrête jamais. »

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